Notre approche: enquête collective, transformation du regard et invention de nouveaux imaginaires

A aucun moment, il ne s’agit d’incriminer les habitants, mais de resituer leur rationalité à la lumière des phénomènes et des conditions auxquels ils participent. Il s’agit également d’affirmer que s’ils sont acteur de la fabrique de la ville, ils sont plus que quiconque la solution aux problèmes que rencontre le territoire.

Les préoccupations environnementales liées à l’eau, consubstantielles du quotidien des communautés agricoles, ont été mises de côté et invisibilisées par le désir de foncier et les imaginaires de la Modernité qui conçoit le progrès dans l’effacement des attachements aux milieux de vie et aux vivants, produisant des individus déterritorialisés et atomisés.

Le cours d’eau ne se donne pas comme une ligne, il façonne une aire géographique. Au-delà des transformations visibles, il révèle les frictions entre différentes temporalités et modes d’habiter. La forêt a disparu, et pourtant ses racines continuent d’orienter les fondations des nouvelles constructions. L’absence de l’eau dessine en creux l’organisation des quartiers. Pour percevoir ces influences, il faut se déplacer, adopter d’autres points de vue que ceux déterminés par la croissance du capital et de la production de ciment. Cette transformation du regard nécessite un profond ancrage dans le territoire, par un travail collectif et situé qui mobilise et articule les savoirs, les mémoires, les désirs et les imaginaires.

Nous devons engager une perception mouvante et agissante, active, en suivant la mémoire de l’eau et son mouvement social pour mener un travail de compréhension des mutations du territoire et percevoir le réel dans sa complexité mouvante, comme un processus vivant, et auquel nous participons. Nous pourrons ainsi nous re-situer face au réel non plus comme étant son objet mais son acteur, et donc repenser notre action et façonner de nouveaux imaginaires pour la guider.

Déambulations collectives
Pour mettre en œuvre cette transformation des regards et des imaginaires, nous partirons de déambulations collectives en lien avec le club de randonnée de Sebikotane et qui pourront être médiées artistiquement et scientifiquement pour partager une expérience commune et sensible du territoire.

Notre approche comprend:

• Une exploration du paysage,
• des rencontres et des entretiens avec les habitants pour accéder à une mémoire sensible et sociale du milieu,
• une collecte de documents (articles scientifiques, documents administratifs, archives, photographies…),
• l’observation et la mise en discussion des transformations.

Cette démarche explorer différents régimes d’attention: l’instant vécu, la lenteur du témoignage, la co-présence de récits personnels ou collectifs, le temps long des mutations.

Plusieurs parcours sont envisagés:

• Le marigot: du Belvédère à la Cité du Port ou Dougar, en plusieurs étapes (avec un intérêt particulier pour Kip-Kip),
• la ravine entre Yeba et la nationale,
• la ravine qui traverse Tangor jusqu’à Someta,
• la zone humide de Filfily,
• la zone entre l’usine Saynac et le Grand Séminaire.

Carte (en cours de production) des points d’eau, ravines et zones humides de Sebikotane
@Djibril Ba
Carte (en cours de production) des points d’eau, ravines et zones humides de Sebikotane @Djibril Ba

Bio-surveillance, grille de lecture du paysage et phytoremédiation

Parmi les manières constater les mutations du milieu, l’observation des plantes bioindicatrices de dégradations permet, si elle est menée en commun par les scientifiques et les habitants, de diffuser des savoirs et des observations à travers lesquels la communauté pourra élaborer et mettre à jour sa grille de lecture du paysage, et ainsi mieux identifier les pressions sur le milieu
et penser des solutions.

La mobilisation habitante, qui pourrait notamment s’organiser en lien avec les écoles, collèges et lycées pour mobiliser particulièrement les jeunes, permet alors un recensement des plantes et des dégradations pour ensuite mettre en place des chantiers de phytoremédiation.

Travail sur les imaginaires

S’il s’agit bien d’agir et d’élaborer des propositions, cela qui implique l’émergence de nouveaux imaginaires. Les souvenirs qui donnaient à voir une organisation sociale articulée dans le milieu sont nombreux et peuvent nourrir le désir d’un lieu meilleur, offrir des modèles concrets de relations entre habitants et environnement.

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